Je suis HS ce matin, je suis toujours enrhumée, il faisait au moins 35°C dans la
chambre la nuit dernière, impossible de trouver le sommeil après l’incident de
la veille du coup, j’ai passé 2h sur le net à glaner des infos et témoignages sur
la culture indienne. Je crois que je suis lassée, épuisée, usée par l’Inde.
Douce France, comme tu me manques ! Ça fait déjà quelques jours que je ne
cesse de rêver de carlingues d’Air France.
On a décidément du mal à nouer des liens avec nos hôtes
comme nous avions pu le faire lors de nos précédentes expériences de
Couchsurfing. On ne peut pas dire qu’ils ne sont pas sympas mais il n’y a pas
d’atomes crochus.
Nous partons en ville et faisons une longue pause café dans
un « Coffee Day », on en profite pour écrie, papoter, casser du sucre
sur le dos des indiens. Et surtout on apprécie pleinement ce qu’on prend
d’habitude pour acquis, d’être en bonne santé, de se sentir bien, de n’avoir
mal nulle part. Deux allemandes attablées en face de nous, sont elles aussi
plongées dans la rédaction de leur carnet de bord. On négocie un taxi collectif,
sorte de Van Volkswagen qui met des plombes à décoller pour se rendre à la
frontière pakistanaise : wagha border située à 30km. Commence ici une
course infernale, notre chauffeur est un fou, le van se faufile comme un
serpent de la rue, je flippe et préfère fermer les yeux pour diminuer mon
angoisse, et puis j’évite ainsi à mes yeux d’être de vrais réceptacles à
poussière. Le confort est très sommaire, Rémi et moi partageons un siège pour 2
à l’avant et nos culs sont en train de frire sous les dégagements de chaleur
générés par le moteur situé sous nos fesses. Arrivés à la frontière en un seul
morceau, thanks God ! Les files d’attente étant toujours séparées,
j’accède à la porte frontalière avec le Pakistan beaucoup plus vite que Rémi,
il y a peu de visiteurs de sexe féminin.
A l’intérieur de l’enceinte, chacun prend place sur les
gradins toujours séparés selon le genre sexuel, on attend plus de 30 min sous
un soleil cuisant avant que le show commence. Attention, c’est un vrai show à
l’américaine, des militaires mesurant pas loin de 2m engoncés dans leurs
costumes exubérants encouragent le public en vociférant dans leur micro. J’ai
rarement vu des indiens aussi grands. A ma grande surprise, il y a aussi des
militaires de sexe féminin. Les femmes qui m’entourent mettent à profit leurs
cordes vocales, les décibels s’affolent. 1ère étape de la
cérémonie : les femmes se mettent en rang par 2 et une fois le drapeau
entre leurs mains, leur mission consiste à courir une distance de 100m et le
transmettre à un autre binôme. C’est plutôt marrant mais c’est encore plus drôle
lorsque des femmes s’adonnent à toute une série de danses bollywoodiennes, je
reconnais la musique de la BO de Slumdog Millionaire. La cérémonie prend des
allures plus solennelles lorsque les militaires se livrent à une chorégraphie
de marche militaire, on assiste alors à une série d’ouvertures et fermetures de
la porte séparant l’Inde du Pakistan. Du côté pakistanais, la symétrie est
parfaite, même concept, hommes et femmes séparés sur les gradins. Les
militaires des 2 pays se saluent sans fioriture.
Nous quittons les lieux
et c’est toute une foule se dirigeant vers la sortie que nous devons affronter
sous une chaleur toujours aussi écrasante. Je retrouve enfin Rémi dans toute
cette cohue et nous partons rejoindre le van qui nous attend pour rentrer à
Amritsar. On ressort un peu déçus, ça doit vraiment être plus intéressant pour
les locaux. Le trajet de nuit cette fois est au diapason du précédent, en plus
notre kamikaze de chauffeur ne comprend pas où l’on veut descendre du coup on
le guidera. On doit encre marchander la course en Rickshaw pour rentrer chez notre famille d’accueil. C'est toujours une partie de joutes verbales. Si les Occidentaux se mettent à payer le double pour n'importe quoi, ils se font une mauvaise réputation. Ça nous fait passer pour beaucoup plus riches que nous sommes. Sur la
route on a croisé une voiture gisant dans un fossé, un vrai spectacle pour les
gens qui s’agglutinent en masse. Nous retrouvons notre petite famille elle
aussi agglutiné devant le petit écran, visiblement fascinés par l’émission
« India got talent ».
Je pars rejoindre la femme de Jolly dans la cuisine pour
l’aider à préparer des chappattis, j’apprends alors qu’elle est plus jeune que
moi et qu’elle a eu son premier enfant à 13 ans, je suis déconcertée. Affamés
nous savourons notre repas, un pur délice. Ces quelques jours chez l’habitant
m’ont réconciliée avec la nourriture locale.
L’appel du lit est trop fort, c’est notre dernière nuit de
grand confort, on s’habitue vite. Demain, nous bouclons la boucle, retour vers
Mumbai.
Le lendemain, Jolly nous dépose à l’aéroport où s’ensuit une
série de contrôles, ils sont très suspicieux, on a du montrer notre passeport
et nos billets au moins 3 fois avant d’accéder au check in. Pour la première
fois depuis notre arrivée en Inde j’ai froid, j’avais oublié la sensation de la
clim.
1h plus tard nous arrivons à Dehli pour une escale qui
s’avère plus longue que prévu, notre vol pour Mumbai ayant été annulé. Je suis
quand même épatée de voir une marque d’organisation à l’aéroport, ils ont pris
soin de mettre des chariots devant les tapis, wow !
On tue le temps dans la « food court » de l’aéroport,
en bons occidentaux, on opte pour des cornets de frites et une pizza
végétarienne. Une bonne dose de rappel du western world ne peut pas faire de
mal ;)
Une fois arrivés à Mumbai, nous partons rejoindre un
Couchsurfer, Meet qui va nous héberger pendant les derniers jours de notre
séjour. Le chauffeur de taxi ne connait apparemment pas le quartier de Versova,
il s’arrête au moins 5 fois pour demander son chemin aux gens dans la rue, typiquement
indien. Il osera même me dire que Meet nous a donné une adresse erronée. Tiens
ce n’est pas la première fois qu’on nous sort cette excuse histoire de se déculpabiliser.
Après 1h30 d’errance, on rejoint enfin Meet en compagnie d’une autre CSurfeuse
chinoise à qui on relègue notre taxi. Il nous apprend qu’elle a décidé de
bouger car elle s’ennuyait chez lui mais regrettait sa décision en apprenant
que nous arrivions. Ca promet…
On fait connaissance avec Meet qui est super sympa, même si
on a du mal à le comprendre parfois, il partage un appartement avec des amis
férus de Koppoeira, sans oublier 3 petits chatons errants et leur mère qui ont
élus domicile chez lui. Ils sont trop mignons mais n’ont que la peau sur
les os. Il nous laisse nous reposer sur
les matelas au sol pour se rendre à sa séance de fitness, il veut absolument
perdre ses kilos en trop.
A 23h, notre hôte est de retour, on avale quelques chappattis et des patates au
curry et petits légumes puis partons rejoindre ses amis qui nous conduisent
vers la promenade le long de la plage. J’en profite pour discuter et pousser l’indiscrétion
sur les mœurs indiennes et la notion de relation notamment le mariage arrangé.
1h30, on s’affale sur nos matelas imprégnés d’une odeur de
rance à laquelle on ne s’habitue toujours pas.
Le lendemain, Meet part bosser très tôt. Nous déjeunons avec
ses amis qui ont préparé un délicieux repas et dans une ambiance bon enfant. Je
crois que se qui me manquera sera l’usage de ma main droite (sacrée) pour
apporter les aliments à ma bouche. Finalement, j’ai pris conscience que les plats
n’ont pas la même saveur lorsqu’on enfourche la nourriture, le contact dermique
exalte les saveurs. Bhavna s’est aussi jointe à nous, elle est actrice à Mumbai
mais fait beaucoup de déplacement notamment aux US et au Canada. C’est la
première personne indienne rencontrée que l’on comprend aussi bien. Elle nous
parle pendant un long moment de ses déceptions amoureuses et de la pression de
ses parents pour la pousser à se marier. Elle
est très sympa, ouverte, émancipée, très loin de l’indienne
« ordinaire ». C’est du aux contacts fréquents de la vie
occidentale lors de ses déplacements pro à l’étranger.
On passe un super moment
à déguster du thé Chai et des biscuits « p’tit cœur » (oui ! les
mêmes qu’en France), papoter, regarder un film.. Meet me fait bien rire en me
demandant le mode d’emploi détaillé du French kiss, j’ai changé de sujet avant
qu’il n’exige une démo.
Nous rentrons,
Meet semble énervé après ses amis, ils se disputent en Hindi du coup il nous
emmène diner dehors, direction « Banana Leaf ». Je commande un plat
de riz avec légumes en sauce en précisant bien en Hindi que je ne veux pas
d’épices : No mesala ! Je crois que la prochaine fois je demanderais
un plat épicé pour que ma requête soit enfin comprise. Du coup je n’ai
quasiment pas touché à mes légumes, une seule bouchée m’avait littéralement enflammé
le gosier. Je me contente d’un plat de riz nature. Il est déjà 23h, Meet
commence à 6h30 demain, on repart chez lui. La capoeira bat toujours son plein
à notre retour à l’appart. Je discute un bon moment avec un des amis qui a
passé 5 ans en Espagne et 10 ans aux US, c’est toujours très intéressant
d’avoir les retours de ce genre d’expériences lorsqu’il s’agit de cultures
aussi contrastées.
De retour,
Meet nous motivera finalement pour aller faire un tour au « Mall
infinity », sorte de grand centre commercial où nous nous ravitaillons en
tablettes de chocolat. On avale une assiette de riz fris puis partons rejoindre
Bahvna chez elle pour la pause thé. La course en rickshaw est une fois de plus
un calvaire, on traverse un bidonville en enchainant des crevasses pleines de
boue, ah le chaos de Mumbai, ça ne m’avait pas manqué. L’appart de Bhavna est très
propre et cerise sur le gâteau, il y a du PQ dans les toilettes!! J’imagine que c’est la
première fois qu’on voit ça chez des particuliers.
Pas très motivés pour affronter la jungle de Mumbai, nous
passons l’apres-midi à buller dans notre nouveau cocon avec nos nouveaux amis
en les filmant en train de danser la Capoeira, ils nous apprennent quelques
figures, mais la souplesse indienne est un avantage indéniable.
On mate quelques minutes de « you think you can
dance » à la sauce curry tout en papotant, un des colocs qui est Sikh nous
explique qu’il respecte la tradition et ne s’est donc jamais coupé les cheveux,
il en 24 aujourd’hui. Il les attache en chignon juste au dessus du front, c’est
particulier. En fait, l’histoire anecdotique c’est que lorsque le Pakistan
faisait partie des Indes, les musulmans voulaient convertir les Sikhs à l’Islam
et ont menacé de les ébouillanter dans de l’huile si ces derniers refusaient de
couper leurs cheveux. Ils n’ont pas cédé. Depuis, en hommage à leurs ancêtres
victimes, les Sikhs déclinent le coup de ciseaux.
Dernière journée à Mumbai. 6h30 nous faisons un dernier
au-revoir à Meet, il est triste et nous aussi, il a été super avec nous. On
passe la journée dans l’appart avec les
colocs, on écrit, trie les photos, buvons du thé Chai, dégustons le délicieux
déjeuner qu’on nous a préparé. On est aux anges. Ceci dit, je ne suis pas
tentée par le lait de buffle.
Le soir, nous remercions et quittons nos hôtes, une fois de
plus leur hospitalité et générosité sans limite nous a touché. Notre séjour en
Inde s’achève sur une note très positive, dire qu’il y a quelques jours, la
rancœur me rongeait et je prévoyais déjà d’arroser notre départ définitif de
l’Inde avec du champagne. Les dernières 48h dans notre petit cocon a été un
vrai baume pour le cœur. Y reviendrais-je un jour ? je ne pense pas, mais
qui sait avec le recul, la question reste en suspend..
Il est temps de tourner une nouvelle page, direction la Thaïlande
que j’ai hâte de découvrir.
Le bilan après un mois en Inde :
4 semaines en Inde, c’était peut être trop ambitieux. Je
n’ai pas su m’adapter, garder mon sang froid au quotidien et tout simplement
apprivoiser ce pays. Les indiens sont déroutants : un sourire, une
arnaque, une incompréhension, un fou rire, un pétage de plomb, l’Inde et ses
paradoxes. Elle nous aimante et nous rejette. Visiter l’Inde c’est une sorte de
danse continuelle avec les émotions, il faut trouver sa place, si on s’approche
trop près du soleil, on se brule les yeux, si on s’en éloigne trop, les
couleurs deviennent fades et insipides.
J’imagine que ces contraintes font
partie du voyage lorsqu’on veut qu’il se déroule dans des conditions
rudimentaires, à la roots, nous mettant le plus en contact avec la population locale.
Malgré tout, on conserve l’étiquette de l’occident backpacker empruntant bus
locaux et trains pour les longues distances (en évitant la 1ère
classe quand même).
L’Inde rendrait-elle fou ? Une chose est sure, l’Inde
nous apprend beaucoup sur nous-mêmes et transforme en profondeur notre vision
du monde. Le choc culturel qui donne le vertige à l’occidental.. On perd ses
repères en Inde, on ne sait pas comment l’appréhender, on s’interroge même sur
la manière d’imposer ses propres valeurs. L’occidental vacille sur le socle de
ses certitudes.
Parfois, les nerfs à vif, je m'en voulais de traiter les Indiens avec un mépris digne du colonialisme victorien. Je remercie mon mp3 d'avoir été un vrai sédatif pour tous mes moments d'hystérie.
Je crois que ce qui aura été le plus difficile pour moi
outre les sollicitations incessantes, la chaleur suffocante, la pollution, la
misère, les odeurs infectes et le vacarme sans limite, restera le regard des
Indiens sur moi. Ici on n’est pas seulement regardé, on est scrutés, observés, littéralement
déshabillés du regard. On a l’impression d’être à la fois adulé comme une star
et prendre des allures d’extraterrestre ou bête curieuse.
Ici la route est le supplice qu'il faut endurer pour atteindre le prochain lieu de visite mais j'ai compris qu'il ne faut pas considérer le voyage comme un moyen d'aller d'un point à l'autre, il faut voir la route comme une manière d'être.
L'Inde m'aura aussi initiée au marchandage, une des meilleures écoles pour faire ses preuves. Finalement, ici le commerce n'est rien qu'un emballage plastique de supermarché autour de la riche histoire de l'Inde. Après tout, ce pays a été envahi tant de fois, mais il a toujours su préserver sa culture. Le capitalisme est le dernier envahisseur en date et quand cet ennemi aura été vaincu comme les précédents, on retrouvera le même peuple mystique autochtone. Le côté mystique était ce que je m'attendais à toucher du doigt ici mais en vain... Peut être que le capitalisme ne disparaitra pas comme les autres envahisseurs. L'Inde a peut être déjà perdu la guerre, c'est son côté mystique qui est en train de mourir.
Alors je sais qu'à l'écriture de ces dernières semaines je n'ai pas été tendre dans mes propos mais à ma décharge, j'ai vraiment tenu à être sincère sur ce que j'éprouvais au contact des différentes facettes de l'Inde même si je n'y suis pas aller avec le dos de la cuillère. Je crois que l'axiome qui dit que l'Inde on l'adore ou on la déteste est assez juste. Difficile de maintenir un barycentre ici à moins peut être de s'isoler dans un ashram. Je dois aussi avouer que sans la présence de Rémi et les CSurfers, j'aurais capitulé au bout de 3 jours.
On ne ressort pas indemne d’un voyage en Inde. Je me demande comment j'aurais vécu un retour direct en France si je n'avais pas eu l'opportunité de continuer le voyage vers d'autres lieux exotiques.
Est ce que je reviendrais en Inde? je ne pense pas ou du moins
pas avant un long moment.
Namasté!
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